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" VIVRE avec et AGIR avec "

Claude et Mileine OLLIVIER, Volontaires de Solidarité Internationale, à Manakara, Madagascar

20 - Retour et fin de missions - Nos bilans

Jour du départ de Manakara, en Karenjy, et jour d'ouverture du nouveau pont

 

 

 

 

Retrouvailles du Chablais : montagnes et lac Léman (sous les nuages)

 

Bonjour à tous, chers lecteurs

D'octobre à décembre 2022, nous avons séjourné à Manakara dans la continuité de nos missions de 2021. Nous avons retrouvé, avec grand plaisir nos amis et partenaires, notre logement et notre fidèle voiture Karenjy. Nous avons ainsi bouclé nos missions initiales.

Aussi, cet article sera le dernier d'une série de 20 articles, démarrée en août 2020. Il sera en quelque sorte un bilan de notre belle et exceptionnelle aventure humaine, menée depuis notre arrivée à Manakara, en janvier 2021.

Chers lecteurs, nous tenons à vous remercier vivement de votre fidélité, et de vos nombreux retours, lesquels nous ont toujours fait chaud au cœur. Vous avez été plusieurs centaines à nous lire. Et à notre grande surprise, nous savons que ce blog a été ouvert près de 8 000 fois !

       Où en sommes-nous aujourd’hui de nos missions ?

Mileine a terminé sa mission auprès de la "Maison de l'Artemisia" de Manakara et de Paris. Ses rapports de mission ont été bouclés et envoyés aux différents partenaires. De temps en temps, elle est encore en lien avec l'équipe de Manakara et de Paris, pour faire circuler des infos. Difficile mais nécessaire, de terminer une mission dans laquelle elle s'est fortement impliqué !

Quant à Claude, lui aussi, a bouclé sa mission AFDI, avec l'envoi de ses rapports finaux aux différents partenaires. Toutefois, il y a une prolongation de mission avec MICROFEL, une ONG de développement auprès de paysans de brousse de la région de Manakara - Vohipeno.

Des bons liens ont été noués en 2021 avec le technicien Thor, et fort d'une confiance réciproque, le Président de MICROFEL l'a sollicité pour apporter un appui, à un nouveau projet de formation et d'accompagnement, auprès de jeunes paysans et paysannes de brousse. Son engagement, de courte durée, est lié au côté novateur, prometteur et motivant de ce dispositif, en partie réfléchi avec Thor en 2021.

MicroforJA est un programme de formation globale, allant de la production de produits vivriers (riz, légumes ...), à l'alimentation et à l'économie familiale. La formation est dispensée par 3 formateurs, dont une femme, avec un programme de 6 semaines de formation, sous forme d'internat. Formation théorique et pratique, et en alternance : retour d'une semaine sur leur ferme, pour mettre en application immédiate les apports des différents cours. Cette pédagogie adaptée au monde agricole est bien connue des "Maisons Familiales Rurales" de France. Elle a fait ses preuves, aussi bien en France que dans plusieurs pays africains.

         Photos de la "clôture" de la première session de formation, "MicroforJA-1" - Remise des  diplômes aux 8 femmes-stagiaires

Accrochage du panneau du Centre de formation d'Ambohimadiana

 

 

 

 

 

 

 

 

Stagiaires, formateurs et Autorités locales

 

 

 

 

 

 

 

 

Remise de diplôme par le maire du village

 

 

 

 

 

 

 

 

Une stagiaire diplômée

 

 

 

 

 

 

 

        Nos impressions de fin de mission

Ce 20ème article est donc pour nous, une façon de vous présenter, nos "bilans" personnels, les réussites, les échecs, sans oublier nos ressentis, découvertes et analyses. 

Pour nous deux, il est impossible de sortir "indemnes" d'une telle expérience ! Il y a bien sûr eu de vrais petits "bonheurs", de belles découvertes et des rencontres passionnantes, sources d'un enrichissement personnel exceptionnel. Mais il y a eu aussi des moments difficiles, des échecs, des "trahisons", de fortes déceptions...

Nous avons terminé nos missions avec 2 questions principales :

- Dans le domaine de l'Aide Publique et Privée au Développement, où va réellement l'argent colossal versé par les pays occidentaux, aussi bien par les États, que les diverses ONG ?

- Quel est l'impact réel de ces aides sur le terrain à Madagascar ? Comment est évaluée la performance sociale des projets ?

Nous savons que la pauvreté augmente toujours depuis plusieurs décennies : constat terrible pour un pays, dont le contexte social et économique se dégrade, et où le taux de corruption est parmi le plus élevé au monde ! Où sont "passées" toutes les aides versées, depuis plusieurs décennies, pour le développement du pays ?

Nous pouvons dire que nous avons été témoins d'un pays qui va "mal", traversé par un mouvement de déstructuration sociale et économique continu. 92 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté (défini par l'ONU). C'est l'un des 5 pays les plus pauvres au Monde ! L'insécurité alimentaire, la famine, le manque d'argent dans les ménages (en ville comme en brousse), la violence "sociale", et l'insécurité, gagnent du terrain. Sauf pour les plus riches...

Deux ans après nos premiers pas à Madagascar, au delà des premiers "sourires" d'accueil, et avec des confidences recueillies auprès de nos amis et partenaires, nous avons ressenti cette nette aggravation de l'état de pauvreté généralisée. L'inquiétude de la population pour son avenir grandit. L’État est toujours absent pour soutenir son peuple en souffrance. En agriculture, il n'existe pas de politique de défense de "l'agriculture familiale", alors que 80 % de la population vit en campagne. Et le paradoxe est que tout le monde reconnait que Madagascar posséde un potentiel important de richesses naturelles, agricoles, minières, halieutiques...

       Photos "coups de cœur" de notre dernière mission

Bonheur d'un repas, à l'inauguration de la cantine de l'école San Luca d'Ambodinato

 

 

 

 

 

 

 

 

Au-revoir à Félicité, veuve de Philibert, initiateur de l'école San Luca

 

 

 

 

 

 

 

 

Sensibilisation à l'Artemisia à Nohona, village de parias-rejetés

 

 

 

 

 

 

 

 

Battage de céréales sur les hauts plateaux

 

 

 

 

 

 

 

 

Bouclage des valises, avec notre chère Marie-Josée qui essaie une doudoune

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ci-dessus, la photo du dernier repas chez Oliva, Présidente de l'OP Fitarikandro. Au centre, sur les genoux d'Oliva, le petit Emmanuel. Un an plus tôt, la jour de sa naissance, Mileine avait été "l'ambulancière" au volant de la Karenjy !

        Du rêve à la réalité, nos bilans personnels

Nous sommes partis dans cette "aventure", avec des "rêves" et des objectifs que nous pensions réalistes ! Voici les quelques mots écrits dans notre premier article, pour présenter nos missions :

..."Mileine accompagnera des groupes de femmes paysannes ( culture et utilisation de l'Artemisia, économie familiale,…). Elle collaborera aux programmes d’Éducation à la Vie et à l’Amour (EVA) auprès de jeunes et de familles... Elle soutiendra l’apprentissage du français en lycée et auprès de responsables d’O.P... Et elle contribuera à la création d'une Maison de l'Artemisia, dans cette zone si impaludée..."

... "Claude aura un rôle d’accompagnement, d’appui - conseil, et d’animation auprès de deux Organisations Paysannes, en vue du redressement économique d'une Coopérative Apicole (KTTF), en très grande difficulté, et de la refondation d'une structure de développement, en panne totale d'activités et de gouvernance (projet AFDI - KTTF ) il formera des animateurs-techniciens au "Conseil à l’Exploitation Familiale", avec l’élaboration d’outils et de méthodes de conseil...

Un beau programme et de belles intentions au départ, mais qu'en est-il en fin de mission ? Et quel a été l'impact réel de nos missions ? Une question lancinante durant ces 2 années de mission.

  • Commençons par le bilan de la mission de Mileine

Entre les intentions de ma lettre de mission en janvier 2021 et la réalité sur place, il y a eu un écart significatif. Je l'ai déjà évoqué dans ce blog aux articles 9, 10 et 11. Normal car cette lettre de mission avait été écrite depuis la France, avec peu ou pas de concertation avec les personnes concernées. Pour qu'une action fonctionne, il faut de la demande ou bien il faut la créer si elle n'existe pas.

En clair, la demande d'accompagnement de groupes de femmes paysannes ne s'est pas faite dans le cadre prévu sur le papier. Et le programme Éducation à la Vie et à l'Amour (EVA) n'avait pas vraiment besoin de mes services de Conseillère Conjugale et Familiale.

Pas grave, car le boulot "Artemisia" n'a pas manqué.

Quant au soutien en langue française, lors de notre dernier séjour, j'ai pu animer à nouveau, quelques séances auprès de deux jeunes en demande.

     Pour commencer, des chiffres qui m'impressionnent

Depuis 2019, début de notre préparation au VSI, j'ai compté 3100 mails échangés... 127 dossiers ou sous dossiers de mails dans ma boite mail... 360 dossiers et sous-dossiers, dans "mes documents", près de 1000 fichiers, sans compter les photos, (mais là, pour le nombre, Claude me bat largement). Les dossiers les plus lourds et les plus nombreux concernant bien sûr l'Artemisia.

       Mission Artemisia

Je le répète ici : ma mission Artemisia a occupé l'essentiel de mon temps en 2021. Idem, pendant notre dernier séjour, qui s'est déroulé dans le contexte très troublant de la "disparition d'Obin", disparition de données, de matériels, d'argent... disparitions aux conséquences inquiétantes et graves pour la jeune Maison de l'Artemisia (MdA) Grand Sud-Est à Manakara.

Très troublée, l'équipe de l'Association créée en mai 2022, a tenté de rattraper la situation avec ses propres forces et moyens. Il a été bien difficile pour ses membres de soutenir la motivation originelle, malgré les 3 réunions du CA - bureau qui ont eu lieu en notre présence fin 2022.

Pour ma part, j'ai aussi été très troublée. Après un état des lieux complétant celui de Thor, le Président, et un certain nombre de démarches administratives, j'ai fait de mon mieux pour l'aider, à relancer la "machine"... Troublant et contrariant !

Mais la création de nouveaux contacts, de nouveaux lieux de vente, les sensibilisations nouvelles ont constitué l'essentiel de mon travail. Des tâches toujours aussi intéressantes, car ma mission a été globalement passionnante...

La présence de Diane consultante pour l'ONG La Maison de l'Artemisia à Paris, pendant une semaine, et notre travail commun sur place ont aidé le projet.

Après un échange riche entre Mileine, Egyptienne, Diane, Thor, Marie-Claire et sa fille

 

 

 

 

 

 

 

Dernière sensibilisation Artemisia pour des villageois de brousse

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Des visages marqués par la pauvreté et la sous-nutrition

 

 

 

 

 

 

 

 

Formation au semis, et réalisation d'une pépinière de futurs plants

 

 

 

 

 

 

 

 

Fin de la séance de formation à la culture de jeunes plants d'Artemisia

 

 

 

 

 

 

 

 

 

         Des constats source de joie

Constater que l'Artemisia est de plus en plus connue, que ses usages en tisanes, se répandent, grâce aux nombreux témoignages d'efficacité contre le paludisme et les parasitoses, est heureux.

Ressentir combien les personnes ont soif d'apprendre, quand on leur en offre les moyens, est impressionnant.

Voir que l'Artemisia afra, (graines originaires du Malawi, dans ma valise en janvier 2021) pousse très facilement dans la région, est remarquable. De plus, en 7 jours, je réussissais de nouvelles boutures prêtes à la vente, alors que par le Réseau Monde des MdA, on constate que certains galèrent pour y arriver ! Le nouveau slogan autour de cette magnifique plante vivace est devenu : "une moustiquaire autour de la maison". En effet, quelques mois plus tôt, au Kenya, l'équipe européenne de l'ONG a découvert que des paysans faisaient des bordures (mini haies) "d'afra", autour de leurs maisons, ayant constaté l'effet répulsif contre les moustiques. 

Savoir que l'idée de la "Pharmacie dans le jardin" fonctionne pour un nombre grandissant de familles, est rassurant.

Apprendre maintenant que des Prêtres missionnaires sur place, ont un vrai intérêt pour l'Artemisia, parce que son utilisation en tisane est sûre, pas chère, à la portée de tous... est porteur d'avenir. Ce n'est que sur du temps long que les évolutions positives adviennent. Les religieux et prêtres missionnaires le savent bien.

RIEN n’arrêtera maintenant cet élan !

          Des moments douloureux obligeant à lâcher prise et à rebondir

Ces constats heureux ne gomment pas pour autant les moments difficiles et tristes de ma mission. Le décès brutal de Luciano en juin 2021 a été l'un de ceux-là (cf art 12). Le décès de Philibert, m'a révoltée... La disparition d'Obin début juillet 2022 sur lequel on avait tant compter, aussi. Mais à quoi bon se lamenter ? Personnellement, je n'ai pas eu à en subir les conséquences directes, comparé aux populations, que ces personnes "servaient" sur place, ou qu'ils étaient censés soutenir. Les suites et conséquences m'ont appris à relativiser humblement, comme le font les malagasy qui n'ont pas d'autres choix que d’accepter et rebondir.

          Du questionnement inconfortable

Copie du message envoyé par whatsapp à mes réseaux, après ma dernière sensibilisation Artemisia, du 24 novembre 2022 :

"A seulement 17 km de Manakara et à 500 m du goudron, dans ce village de brousse, il y a beaucoup de paludisme, les personnes sont totalement démunies...
En cette période de soudure entre 2 récoltes, après les 2 terribles cyclones de février, touchées par la crise mondiale, les familles ne mangent qu'une fois par jour :  un repas constitué du fruit du jacquier, cuit à l'eau, et  quelques litchis le matin et le soir. Nous entendions parler de famine... cette fois nous avons vu ! C'est la première fois depuis que nous sommes à Manakara. Me sentant tellement impuissante, je suis sous le choc. La situation de ces familles est insupportable. A se demander vraiment, s'il ne fallait pas leur apporter du riz avant l'Artemisia..."

Ce constat inconfortable m'a fortement bousculée, me faisant douter et renforçant mes sensations d'impuissance radicale.

Faute de riz, la pulpe du fruit du Jacquier sera la base du repas

 

 

 

 

 

 

 

 

Scène de vie après la sensibilisation-formation Artemisia

 

 

 

 

 

 

 

 

Timidité, fatigue...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

A l'intérieur de la pièce unique de la case

 

 

 

 

 

 

 

 

A la porte d'entrée de la case, la seule ouverture

 

Ce moment fut difficile pour moi, pour nous deux. INJUSTICE ! Mais, c'est bien pour les personnes malgaches que c'est le plus dur ! En brousse notamment. Cela n'empêche pas les "Papas", quand il y a un homme à la maison, de partir chaque jour, pour essayer de trouver un boulot journalier. Les courageuses "Mamans", quant à elles, "assurent" à leur façon,  et se soutiennent mutuellement.

Ouvertes à la vie, résilientes, souvent oubliées, ces femmes, et leurs enfants, sont l'espoir et l'avenir de ce pays !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ma mission est désormais terminée. La phase des évaluations est passée, et mon bilan de mission bouclé depuis plus de 2 mois. Étant donné le contexte et les durs événements vécus avec la Maison de l'Artemisia, son écriture n'a pas été simple, mais il m'a fallu regarder la situation sans me dérober, tout en laissant un "outil" de travail concret pour ceux qui suivront. Lâcher pour que d'autres s'y mettent...

Et c'est ce qui est, maintenant, en train de se produire avec l'équipe en  place, soutenu  par par quelques  Missionnaires locaux ... Espérance !

       Et maintenant ?  Selon l'expression chère à notre ami-Pasteur Marcel-Raymond...

Il me reste à continuer de cueillir les fruits de transformations personnelles que j'ai pu vivre grâce à cette mission. Cela se fait petit à petit. Nous y avons été aidés par la session "Retour " organisée par la DCC.

Quelle chance de vivre cela à près de 70 ans !

  • Bilan de la mission de Claude

       Qu'est-ce qui va me rester de mon engagement ?

    "Aimer, c'est chercher à comprendre l'autre"   (Dany Laferrière, écrivain Haïtien)

Cette citation pourrait résumer, en partie, ce qui m'a accompagné, aussi bien pour le pays de Madagascar, que pour son peuple et nos différents partenaires-amis malagasy. Tout ce riche vécu a été source d'émerveillement.

  • 1 - La diversité et la qualité des rencontres ; la découverte d'autres cultures, d'une nature riche et variée

Quel enrichissement, et quel bonheur d'écouter et d'échanger avec nos amis paysans, jeunes et âgés, personnes engagées dans la vie sociale, professionnelle, culturelle, religieuse... qu'ils soient malagasy ou vazaha (étrangers). Toutes ces rencontres variées ont favorisé notre intégration et nous ont aidés à connaitre la Culture et les Traditions malagasy, riches de la présence d'une vingtaine d’ethnies.

Si nous avons "donné", nous avons beaucoup "reçu" en retour. Ma façon de voir, d'analyser et de réfléchir sur l'avenir de ce pays, a été modifiée, enrichie par cette confrontation à un autre "vécu", éloigné de nos repères occidentaux. Nous avons découvert d'autres façons de penser la société et de vivre en société.

Lors de nos déplacements en brousse et dans nos escapades dans plusieurs régions de l'île, la découverte de paysages nouveaux et d'une flore et faune spécifiques à Madagascar, ont été une source d'émerveillements fréquents et stimulants.

       Quelques scènes de vie et des portraits de ces rencontres

Village de Nohona, où vivent un groupe de parias-rejetés

 

 

 

 

 

 

 

Paysan de brousse et son cochon, son seul capital animal

 

 

 

 

 

 

 

 

Retour de pêche à Manakara

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Beauté et gravité
Paysan en vêtement traditionnel, fait de jonc

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Paysan et son angady, son principal outil de travail

 

 

 

 

 

 

 

 

Le poids des années

 

 

 

 

 

 

 

 

  • 2 - L'observation et l'analyse du contexte socio-économique, d'un pays "énigmatique et paradoxal"

Madagascar est un pays singulier à plus d'un titre. Malgré ses richesses naturelles, agricoles, minières, halieutiques, ce pays est un des rares pays au monde à "s'enfoncer" dans la pauvreté depuis son indépendance (1960), et où la production de richesses par habitant a baissé. Situation énigmatique et paradoxale.

Mes observations de terrain et mes rencontres de divers responsables n'ont pas encore réussi à me libérer totalement de cette interrogation persistante : pourquoi ce pays en est là aujourd'hui, et comment pourra-t'il démarrer un réel processus de développement ?

La confrontation à la pauvreté, à la mal-nutrition et à la sous-nutrition permanentes, à l'insécurité croissante, me marque toujours et me fait "mal", au point de me faire "oublier" les valeurs et les richesses culturelles de ce pays et de son peuple ! Allant jusqu'à avoir de la "colère", et en "vouloir" aux responsables politiques, économiques et administratifs de mal gérer leur pays, de privilégier leurs intérêts personnels à l'intérêt collectif, et de se désintéresser de la pauvreté de la population ! Où est la solidarité inter-classes sociales ? Que font ces responsables des droits fondamentaux d'accès à l'éducation, à la santé, au travail, ne sont pas assurés.

Et Il faut aussi mentionner d'autres causes à cet état de crise : les suites du Covid 19 (en sachant que l'impact sanitaire a été faible), les conséquences du conflit russo-ukrainien sur le renchérissement des produits importés, dont les produits alimentaires (le riz en premier, puisque non suffisant en production interne), le dérèglement climatique ... Ces facteurs externes viennent détériorer gravement l'état des finances publiques, les résultats de l'économie nationale, et en final, la cohésion sociale.

  • 3 - Découvrir la place prépondérante d'ONG et d'Associations religieuses, pour l'éducation, le développement et la lutte contre la pauvreté

Lors de nombreuses visites de projets, dirigés par des Religieux-Religieuses, catholiques ou protestants, nous avons été en admiration devant la réussite et l'impact des actions réalisées, tant le domaine de l'éducation que dans le domaine de la santé, du social, voire dans le développement agricole et économique. Ce furent réellement d'autres occasions d'émerveillement.

Grâce à leur dévouement sans limite, des compétences certaines, une présence "longue", et à une fine connaissance de la culture malagasy et de sa langue, ils ont des résultats étonnants,  exemplaires, comparés à beaucoup d'ONG "civiles". Ce sont très souvent de vrais modèles de développement et d'aide d'urgence, avec un réel impact social sur la population.

Au foyer de Tanjomoha, le Père Emeric visite des pensionnaires

 

 

 

 

 

 

 

Fin d'une sensibilisation à l'Artemisia, avec le Père Emeric, à Tanjomoha

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Père Luca, curé de Manakara, en mission de soutien à SOS Tuléar dans le Sud

 

 

 

 

 

 

 

 

Père Jean-Chrysostome et Mme Flavie de SOS Toliary, distribuent de l'eau

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Soeur Asmine au Centre des personnes handicapèes "Ankany Fanantenana", à Tuléar

 

 

 

 

 

 

 

 

En salle de rééducation, à Akany F."

 

  • 4 - Témoigner de notre vécu par la photo, la vidéo, et l'écriture dans ce blog

Mon appareil photo a été un "outil" important de contact et d'échanges lors de mes pérégrinations individuelles en brousse et en divers voyages dans le pays. Il m'a permis d'apporter un témoignage concret de notre vie de "missionnaires". C'est un puissant moyen pour favoriser la rencontre avec "l'autre".

La réalisation de ces reportages, dont un certain nombre ont illustré nos articles du blog, ont permis d'assouvir ma passion pour la photographie dans toutes ses dimensions. A notre retour en Chablais, sur l'impulsion de Pierrot Men, grand photographe international malagasy, à la suite d'un concours, j'ai été retenu pour une exposition sur le thème de "Sambatra" à "la Maison des Arts du Léman" de Thonon-les-Bains : une grande satisfaction ! (Quelques photos de "Sambatra" ont été diffusées dans l'article n° 17 du blog).

 

  • En conclusion

J'ai terminé ma mission AFDI, mais je vais rester encore quelque temps lié à la paysannerie de brousse de la région de Manakara, comme conseiller technique auprès de Microfel.

Je me souviens des propos de Sylvain Urfer (jésuite, enseignant, écrivain et grand observateur de la vie politique et sociale, décédé fin 2021), que nous avions interrogé à notre arrivée, en janvier 2021 à Tana. Pour lui, le facteur premier de la dégradation socio-économique, et du "blocage" est : la culture malagasy, avec ses traditions, son attachement aux ancêtres, mais aussi avec ses contradictions et ses pesanteurs. Après ma mission, je suis de plus en plus proche de cette analyse qui me donne une vraie clé de compréhension.

Cela peut aussi expliquer, en partie, les nombreux échecs des ONG, lesquelles n'ont ni la mission, ni les moyens d'agir sur les mentalités malagasy. Leurs projets sont trop souvent initiés unilatéralement, dans leurs pays d'origine, sans prendre suffisamment en compte ces données culturelles locales.

C'est maintenant aux jeunes générations malagasy, d’œuvrer pour trouver les modalités d'un "vivre ensemble" paisible, en élaborant les règles et les devoirs de chacun, et en visant l'intérêt général, la solidarité et la justice sociale. Ils doivent se former et prendre en main leur destinée, et définir leurs projets eux-mêmes pour les soumettre aux bailleurs étrangers.                                                                                

      Un dernier petit mot de Mileine, illustré par une dernière série photos de Claude

      HOMMAGE à Mme Egyptienne

Mme Egyptienne et son sourire communicatif !

Allons à Imainty, sur la commune de Vohindava. Près du fleuve Matitanana, zone fertile, et "terrible" quand les cyclones arrivent et déversent des torrents de pluies qui inondent et saccagent tout. Ce village, un peu en hauteur, est un petit "paradis" pour les habitants des alentours. Le lieu est beau, soigné, fleuri. De l'Artemisia afra, apporté un an plus tôt, pousse bien. C'est la 3ème fois que je viens rencontrer Madame Egyptienne. La devise de François de Sales,"Fleuris là où tu es planté", lui va bien.  Dès notre première rencontre, quelque chose s'est passé en moi, du côté de l’émerveillement et de la gratitude. Une grande dame, Madame Egyptienne est installée là.

Sa formation de sage femme, l'a préparée. Laïque consacrée, Egyptienne a travaillé à l'hôpital privé Ampasimanjeva. Un hôpital italien réputé à 60 km au Nord de Manakara. Là, elle assumait jusqu'à 100 accouchements par semaine et toutes les tâches... L'épuisement menaçant, il lui a fallu partir se reposer auprès de sa maman à Manakara. Des ONG, des responsables du Diocèse de Farafangana veulent alors l'embaucher, lui laissant entrevoir les perspectives d'une belle carrière. Un médecin que j'ai rencontré plusieurs fois en 2021, lui demande encore en 2021, de créer une clinique médicale à Manakara.  Mais elle se sent appelée à créer une structure pour les plus pauvres. "Je veux aller travailler en brousse" dit - elle à sa mère, dont elle est très proche. Contrariée, celle-ci lui rétorque : "Toi, tu peux bien gagner ta vie, tu prends l'avion... tu peux "monter" et tu choisis de "descendre". Egyptienne ressent une grande honte..., mais déterminée, elle arrive ici à Imainty en février 2005, appelée et soutenue par des prêtres Jésuites italiens, pour fonder le Centre de Santé, San Luca. Entre 2005 et 2009, par trois fois, il lui faut affronter la violence des guérisseurs traditionnels qui ont peur de perdre leur "clientèle". "Va-t'en !" crient-ils. Ils veulent la tuer ! "Je n'ai pas peur, ici je fais du bien. Dieu me protège..." répond-t-elle, barricadée derrière sa porte...

Egyptienne, au centre, devant des Artemisia afra et avec de l'Artemisia sèche

 

 

 

 

 

 

 

Fin d'accouchement d'une villageoise au sol, avec sa mère

 

 

 

 

 

 

 

 

Les premiers soins au bébé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La première pesée du bébé

 

 

 

 

 

 

 

 

Egyptienne et son équipe de soignants

 

 

 

 

 

 

 

 

Egyptienne, Mileine, Marie-Claire, amie d'Egyptienne : notre traductrice

 

 

 

 

 

 

 

 

       Avec le temps, les choses se sont apaisées

Une équipe de 20 agents communautaires pour la santé (2 par fokontany - quartiers, hameaux-), qu'elle a formés, travaillent aujourd'hui avec Egyptienne. Pendant les graves cyclones de février 2022 et jusqu'en octobre, elle a nourri 300 enfants chaque jour. 

L'Artemisia afra, apportée fin 2021, en même temps que la séance de "formation 3 heures", pousse bien. Deux agents communautaires participaient à cette formation.  Elle veut distribuer largement la plante et faire connaître ses usages. Il faudra qu’Égyptienne puisse un jour, suivre la "formation 3 jours".

Une formation à la fabrication de savons a été donnée, il y a peu. Une boulangerie est en projet... de quoi développer des ressources pour ce Dispensaire privé. Car les moyens financiers manquent. Le clergé local ne lui est pas toujours favorable, elle a même reçu des menaces...

Pourtant dans ce magnifique lieu, j'ai ressenti un climat heureux, de la générosité et de la bonté. Aujourd’hui la communauté villageoise est autour d'elle, reconnaissant en cette femme ses capacités humaines et professionnelles.

"Chapeau Madame Egyptienne ! Nous t'admirons et nous allons continuer à te soutenir !" Cadeau pour nous lors de notre visite : une petite fille venait de naître. Tout un symbole d'appel et de foi en la VI

Le bonheur d'accueillir cette petite fille !

 

Est venu maintenant le temps de conclure ce blog. Il nous a permis de témoigner de nos expériences, d'analyser, et de prendre de la distance. Manière aussi de garder une trace écrite et visuelle.

Merci à vous chères lectrices et chers lecteurs, de tous vos téoignages de sympathie !

AU REVOIR              Mileine et Claude Ollivier     le 12 avril 2023

 

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J
Merci Mileine et Claude pour ce partage d'expérience que j'ai suivi tout au long de votre aventure. L'action humanitaire est toujours enrichissante, même si elle peut être décevante. De toute façon elle laissera des traces, pour tous les acteurs.<br /> Bises à vous deux.<br /> <br /> Jean-Paul
Répondre
C
MERCI, Mileine et Claude pour ces témoignages dans votre blog que nous avons lus et relus avec toujours autant d'émotion.
Répondre
B
Toujours aussi admirative sur votre engagement, votre courage, votre disponibilité pour les autres. Oui je vous admire au-delà des simples mots. Andrée